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Ainsi la nuit
CREATION 2018 - Chorégraphie de Marilén Iglesias-Breuker & Luc Petton


Cette création se confronte avec nos instincts face à la peur (bondir d’épouvante, fuir affolé, être saisi, glacé…) et avec ceux qui conjurent ses peurs (faire face, surmonter, comprendre, soupeser) pour enfin aller vers la lumière (se détacher, s’alléger, s’apaiser, se libérer). Suivant un fil conducteur subliminal, guidé dans ce périple par le texte de la Divine Comédie.

De la pesanteur la plus noire, à l’apparition de la grâce, jusqu’au ravissement de la lumière, atteignant les rives d’un lieu ou « être bon c’est être léger », les états de corps rappellent l’enjeu :

Enfer le corps manifeste son poids, il trébuche, il tombe, il se contorsionne. Purgatoire plus léger, on le voit respirer, porter son ombre, sensuel, le sang bat dans ses veines.  Paradis il se fait si docile et si transparent qu’il saura voler parmi les sphères.

Le décor épuré suggère ces trois étapes : trapèze occulté permettant la chute depuis les cintres, fil élastique modifiant le rapport au poids et barres offrant un appui pour le vol suspendu, en apesanteur.

Sur scène se côtoient différentes espèces animales à forte empreinte imaginaire, chouettes, loup, vautour et cinq interprètes issus de différentes cultures du corps, trois danseurs, deux circassiens. Leurs parcours sont éclectiques, il se sont formés en France, en Italie, à Porto Rico, en Chine et en Norvège… tous participent à la recherche d’un langage commun.

Un défi pour aboutir à une coexistence pacifiée sur le plateau de l’homme et de l’animal, tel que l’annonçait Saint François d’Assise évoqué par Dante lors de sa pérégrination : « (Il) se déchaussa, et courut à une si grande paix, et courant il lui semblait être lent ».

Et si le Paradis était un enjeu contemporain ?

coprodutionsAbbaye royale de Saint Riquier - Baie de Somme/CCR  • le Bateau Feu, scène nationale de Dunkerque •  le Manège, scène nationale de Maubeuge •  l'Opéra de Reims •  l'Equinoxe, scène nationale de Châteauroux •  l'acb, scène nationale de Bar-le-Duc •  Centre culturel Saint Ayoul et Ville de Provins •  Le Volcan, scène nationale du Havre •  Théâtre municipal de Fontainebleau

Chorégraphie - Marilén Iglesias-Breuker & Luc Petton
Scénographie - Raul Pajaro Gomez
Création musicale - Xavier Rosselle -
Aide à l'écriture d'une oeuvre musicale originale du Ministère de la Culture
Création lumièresSylvie Vautrin
Costumes - Amandine Cros
Régie plateau - Raymond Jumel
InterprètesPieradolfo Ciulli, Adalberto Fernandez-Torres,
Aurore Godfroy, Xiao Yi Liu, Elise Bjerkelund Reine
Animalière - Mélanie Poux
Partenariat - Philippe Hertel - Vol Libre Production
Oiseleurs - Juliette Villain, Cyril Cattai

Ainsi la nuit. L’Effroi, l’Extase - Par Bernard Weber

Ce quatrième opus « Danse/Homme/Animal » se propose de danser avec des animaux nocturnes ; ces hôtes de la nuit accompagnent nos peurs ancestrales au plus profond de nos origines, ils nous mènent aussi bien, au-delà de notre statut triomphal de prédateurs, à l’inconcevable mais inéluctable retour à l’état misérable de proies. Mais, peut-être, est-ce là le point d’où surgira l’aube d’une fraternité nouvelle. Nous avons choisi de nous laisser guider par la main ailée du Dante (Alighieri : porteur d’ailes) l’auteur de la Divina Commedia.

Comme lui, nous irons du cœur des ténèbres, étreints par l’angoisse et perdus dans l’obscure forêt du songe, aux promesses de la grâce, cette femme qui danse, jusqu’aux ravissements de la lumière ; comme lui nous atteindrons les rives de ce lieu où « être bon c’est être léger ».

Mais, ce parcours en trois grandes scansions, à l’image des trois chants de l’Inferno, du Purgatorio et du Paradiso, se danse sans le secours du Sage, du Juste ou de la Bienveillante. Virgile est absent, Béatrice n’est pas là…. Nul sage, nul juste n’est là pour tendre une main secourable, montrer le chemin, traverser les cercles de l’Enfer jusques en ses entrailles gelées, puis lentement s’acheminer vers les clartés célestes. Nulle figure humaine, mais peut-être des animaux parmi nos frères et nos sœurs dans le règne des créatures, ceux-là que chante Francesco d’Assisi, mon frère loup, mon frère le vautour, mes sœurs les chouettes...

Sur scène des animaux de diverses natures côtoient cinq interprètes d’usages du monde et du corps différents. Tous participent à la recherche d’un langage commun : Babel à l’œuvre. Oui, mais le Babel transi par le désir ardent du Paradis ...car gît en nos cœurs l’ardente vérité de : « l’amore che move il sole et l’altre stelle » l’amour qui meut le soleil et les étoiles.

 

partenariats - CNAC de Châlons-en-Champagne•  l'échangeur, CDCN des Hauts de France dans le cadre de Studio Libre•  le manège, scène nationale - Reims•  le Laboratoire Chorégraphique de Reims / avec le soutien de l'ADAMI et de la SPEDIDAM

BESTIAIRE /

Chouettes,
Chouettes lapones : Arrivée de l’oiseau au vol silencieux, la chouette apporte la nuit, la raison se tait, les sens s’éveillent. Absorption par la nuit.

Chouettes effraies : Contrairement à sa réputation elle est ici annoncée comme un petit ange blanc de la nuit avec son vol ouaté et silencieux. Elle est toute de grâce..

Loup,
Malgré son aura chargée de peur viscérale et de l’effroi d’être dépossédé de notre statut de chasseur pour devenir proie, le loup apparaît comme un être sensible, sensible au moindre regard, au moindre geste, constamment aux aguets mais, à pas de loup, ouvert à l’invite.

Vautours
Inspirée des traditions Parsis et himalayennes, une scène de « funérailles célestes » se déroule de façon inattendue. Le vautour, surprend par sa grande réactivité à l’homme et son intelligence espiègle dans un duo complice avec une danseuse audacieuse.

SOURCES /

La Divine Comédie Dante Alighieri - traduite et présentée par Jacqueline Risset
« mais déjà il tournait mon désir et vouloir tout comme roue également poussée, L’Amour qui meut le Soleil et les autres étoiles.»

Un régal pour les vautours de Claude Régy
«… et c’est une grande leçon pour les hommes d’être considérés comme de la nourriture propre à satisfaire les papilles de vautours (y en a-t-il dans le bec ?) C’est tout à fait délicieux de penser qu’on peut être un régal pour les vautours.»

Duende, Pratique et théorie du Duende. Federico Garcia Lorca
« le duende est affaire de sang. Il brûle où il habite puisqu’il faut le réveiller dans les dernières demeures du sang. Où sont elles ? le duende n’est pas dans la gorge, le duende monte du dedans, depuis la plante des pieds. Le corps devient sa proie ».

Ouvrir Vénus. Georges Didi-Huberman
«… en ouvrant le corps, elle met l’être en mouvement, sur un fond d’horreur et de cruauté.»